Impressions sur la seconde partie du XIX siècle
« Il aura un bon cœur et une belle âme (...) c’est peut-être l’espoir de ma race. » Napoléon Ier *
Corruption, décomposition des mœurs, règne autoritaire, puis libéral durant les dernières années de son existence, le Second Empire et particulièrement son auteur, Napoléon III, n’ont jamais fait l’unanimité. Même si, depuis la Libération, grâce aux travaux d’historiens de valeur, la vision que l’on peut avoir de cette période s’en trouve nuancée.
Car enfin, c’est bien cet homme qui a fait main basse sur la France par un coup d’État sanglant (plus de 400 morts) le 2 décembre 1851 (la troisième tentative fut la bonne), et qui moins de deux décennies plus tard, le 2 septembre 1870, à Sedan, par une défaite qui ne fait pas honneur à l’armée française, aura capitulé.
Paris subira quatre mois de siège par l’armée prussienne ; les habitants affamés, claquemurés dans leurs taudis ou leurs appartements cossus, seront contraints pour survivre de manger les chevaux, les rats et les chats, jusqu’aux animaux du zoo du jardin des Plantes, vendus à prix d’or, qui passeront à la casserole.
Puis, tandis que l’Empereur est exilé en Angleterre, le peuple de Paris qui n’accepte pas la capitulation de leur ville et donc la défaite de la France, prend les armes contre le gouvernement de Thiers replié à Versailles. La Commune durera deux mois. Elle trouvera sa conclusion lors de la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871 par une lutte fratricide entre l’armée régulière versaillaise et les Fédérés qui mettront le feu à nombre de monuments de Paris dont l’Hôtel de Ville qui sera reconstruit à l’identique, le Palais de Justice, les Tuileries… La répression sera terrible : exécutions sommaires, 10 000 condamnations à mort et plus de 4000 communards seront déportés au bagne de la Nouvelle-Calédonie.
De ce sang versé, naîtra, fragile, la Troisième République dont les représentants ne regagneront le Palais Bourbon qu’en 1879. Des journalistes, dont Émile Zola, prendront le train à la gare Saint-Lazare afin d’assister aux séances de l’Assemblée nationale qui se tiennent au château de Versailles. On verra les députés marchant dans les avenues désertes, leur maroquin serré sous le bras pour éviter les voleurs à la tire, attrapant au vol la première édition du Monde, du Figaro ou du Siècle que leur tend le crieur de journaux, gavroche à la voix aiguë ; et pourquoi pas, dès 1863, Le Petit Journal dont la rubrique des faits divers passionne aussi bien le vendeur à la sauvette que la bourgeoise envoyant sa bonne acheter l’édition de l’après-midi en catimini.
Meurtres passionnels, crimes crapuleux dont les victimes le plus souvent démunies se retrouvent à la morgue : pauvres corps pour la plupart sortis de la Seine, allongés sur des tables de marbre afin que chacun puisse les morguer lors d’une promenade dominicale et les identifier. Ces hommes qu’ils aient été poignardés au sortir d’un estaminet, ces femmes qu’elles se soient jetées, leur enfant dans les bras, dans les eaux boueuses de la Seine ou qu’elles soient tombées sous les coups de leurs souteneurs, échappent à une vie dont ils n’entrevoient guère d’échappatoire. Banales dépouilles abîmées qui si elles ne sont pas reconnues au bout des soixante-douze heures légales seront conduites (pour un franc) par un fossoyeur dans le champ des navets au cimetière d’Ivry ; à moins qu’à la nuit tombée les internes de l’hôpital voisin ne viennent les récupérer pour les disséquer afin d’en apprendre davantage sur la machine humaine.
Les chancres de la syphilis grignotent les peaux, les médecins traitent cette maladie au mercure, traitement dont l’efficacité n’a jamais été démontrée. Sous le Second Empire, le taux de mortalité infantile est de 50 %. Il faudra attendre la fin du siècle pour que s’améliorent les chances de survie des nouveau-nés grâce à la diffusion du vaccin contre la variole et aux progrès de l’asepsie (trop d’accouchées meurent d’infection à cause de médecins encore ignorants des règles d’hygiène).
Les milieux populaires sont touchés plus particulièrement par les épidémies, car ils peuvent moins s’en protéger par des mesures prophylactiques. C’est le cas de la phtisie (tuberculose) et des épidémies de choléra (en 1854 puis en 1865-1866). L’alcoolisme, fléau si bien décrit par Émile Zola, permet d’échapper à un quotidien difficile et l’absinthe fait des ravages.
La folie, quant à elle, fascine, celle que génère entre autres la syphilis, celle due à l’insupportable d’une société corsetée dans des schémas mentaux qui nous paraissent à l’évidence étriqués, comme s’il n’y avait qu’une seule route possible pour tous ; et qui pousse à faire interner ses proches, son mari, sa fille, si l’on est riche dans des cliniques privées comme celle à Passy du docteur Blanche, sinon dans des hôpitaux comme celui de La Salpêtrière où après Pinel et Esquirol, Charcot et ses confrères développent des traitements pour soigner les maladies mentales, moins intrusifs physiquement.
La vie avance, travaille au bien-être collectif (foisonnante époque a-t-on écrit) grâce à l’abnégation d’hommes et de femmes (la Charité n’est pas un vain mot), à la politique volontariste de Napoléon III, de par l’ingéniosité et le génie des scientifiques. En 1885, Louis Pasteur découvrira le vaccin contre la rage après avoir ouvert la voie à la révolution microbienne.
Revenons en plus précisément au Second Empire où, selon Gambetta « la vapeur, le télégraphe sont devenus l’instrument du règne »*.
Le rail rapproche la ville des campagnes où les heures sont égrenées par l’Angélus même si nombre de cloches ont été arrachées des églises pour être fondues à la Révolution de 1789. Les locomotives Crampton sillonnent la France et malgré la crainte d’accidents, les voyageurs se font plus nombreux et sillonnent la France en un temps qu’ils n’auraient pas imaginé vingt ans auparavant.
Journaliers, travailleurs agricoles écartés de la ferme par la lente mécanisation des procédés de production migrent à la ville, quittent leur montagne pour se faire ramoneurs, artisans, nourrices, domestiques, ouvriers (le nouveau Paris et la création de voies ferroviaires exigent de la main-d’œuvre). Ils croient en une vie meilleure, ou du moins aspirent à un quotidien que beaucoup souhaitent seulement morne, mais ne boudent pas les plaisirs simples.
Bourgeois et classes populaires, tous confondus, vont au Cirque Napoléon, vaste théâtre circulaire pouvant accueillir jusqu’à 3 900 spectateurs, et frémissent devant les numéros des dompteurs Crockett et Baty, et des acrobates sur leur trapèze volant.
On déambule les rares jours de congé le long des boulevards et des quais, les plus instruits s’arrêtant devant l’étal des bouquinistes, d’autres longent les berges de la Seine pour regarder les chevaux haler les péniches.
On aime les fêtes colorées et joyeuses au bord de l’eau comme Auguste Renoir sait si bien les peindre, guinguettes, accordéons, friture et vin blanc. Les artistes sortent de leur atelier, coiffés d’un canotier, le chevalet à l’épaule, découvrent la lumière et jouent dans les sous-bois de la forêt de Fontainebleau avec la pointe de leur pinceau. En 1865, au Salon, Édouard Manet casse les codes académiques avec son « Olympia » qui fera rougir l’impératrice Eugénie, puis avec son « déjeuner sur l’herbe » qui sera accroché au salon des Refusés. Cette description des mœurs de certains de ses contemporains fera scandale. Le style choqua autant que le sujet jugé obscène et voyeur.
Les grands magasins (la Belle Jardinière, les magasins du Louvre, le Bon Marché…) font briller les yeux des lorettes qui mettent des rubans à leur corsage pour aller (dépensant leurs derniers sous) danser au bal Mabille, Faubourg Saint Honoré. Les étalages de tissu attisent les convoitises. Les satin, moire, mousseline, taffetas, brocard, pékin, poult-de-soie sont sublimés par des couturières qui s’abîment les yeux et n’en finissent pas d’ajouter des volants aux bas des jupes, de la passementerie ou d’ourler la fine batiste du caraco qu’accompagne le corset qui déforme la colonne vertébrale. Les corps féminins sont sanglés dans les armatures articulées des crinolines dont le diamètre démesuré fera même débat au Palais Bourbon.
Il reviendra au couturier Worth en proposant la tournure sinon de délacer les tailles, du moins de délivrer de ces cercles de bois ou de fer les corps meurtris des femmes assujetties au joug de la mode, dont la première émule est l’impératrice Eugénie.
L’épouse de l’Empereur s’affiche lors de ses soirées costumées dont elle raffole dans des robes à paniers, copies conformes de celles que portait Marie-Antoinette. L’Autrichienne, l’Espagnole, l’étrangère... La rue se moque et se fait méchante. Mais cette débauche vestimentaire, c’est bon pour les filatures et le commerce.
La photographie s’invite dans les familles avec le portrait format carte de visite dont Disderi est l’initiateur. Nadar vous tire le portrait au 35 boulevard des Capucines et les femmes bien nées se pressent dans son atelier avant de se rendre au jour de celles qui tiennent salon ; celui de la princesse Mathilde est couru et accueille Alexandre Dumas père et fils, les frères Goncourt et Flaubert.
En arts décoratifs, l’éclectique est à la mode. Les intérieurs abritent des jardins d’hiver où s’épanouissent des palmiers en pot. De hautes glaces argentées et non plus étamées disparaissent sous les drapés des tentures en velours et renvoient le reflet coloré des chinoiseries et autres bibelots provenant de la manufacture de Sèvres. Les salons où trône le piano regorgent de dessertes, de guéridons style Louis XVI, alors que le robuste mobilier Henri II colonise les salles à manger, ses buffets servant d’écrins à la vaisselle en porcelaine et aux couverts en ruolz (alliage de cuivre, de nickel et d’argent).
Au cours des après-midi ensoleillés, calèches, phaétons et cavaliers ont sillonné l’avenue de l’Impératrice au bois de Boulogne, ou se sont promenés à pied dans les allées ombragées des Tuileries et celles des jardins que l’ingénieur Alphand a créés aux quatre points cardinaux de la capitale.
Paris dort peu et dans son insomnie égrène le temps, celui qui se décompte sur la montre à gousset, à la trajectoire du soleil et de la lune ou à l’aune de l’horloge des gares.
La vie parisienne, c’est aussi, pour ceux qui peuvent se les offrir, les soirées au théâtre de boulevard où Labiche conforte son succès en singeant ses contemporains, les opérettes d’Offenbach aux Bouffes-Parisiens où se pressent bourgeois et provinciaux, et aussi les cafés-concerts pour le public populaire.
Il est de bon ton de se montrer à l’Opéra Le Peletier (l’opéra Garnier sera terminé en 1875). S’y joue et s’y chante le Faust de Charles Gounod. Les danseuses évoluant sous la chaleur des becs de gaz de l’avant-scène, préférent se serrer contre le ventre bedonnant d’un rentier plutôt que d’aller retrouver leur galetas à la fin du spectacle ; quand leurs charmes les quitteront, elles iront au Mont-De-Piété, chez Ma Tante, pour mettre en gage leur matelas. En attendant, elles se couchent à l’aube et croisent les carrioles des maraîchers qui entrent dans Paris et rejoignent les Halles de Baltard, ventres de fer et de verre. Aux Tuileries s’éteignent les lumières éblouissantes des fêtes somptueuses que l’Empereur offre à ses invités.
Les bonnes tôt levées alimentent les poêles en boulets de charbon. Le facteur commence sa tournée, sa boîte ronde placée sur le ventre (bientôt on le verra juché sur un vélocipède). Les nourrices en uniforme blanc empesé guettent le réveil de la progéniture de leurs maîtres. Leurs propres enfants sont restés au pays au mieux chez la grand-mère ou chez des nourrices peu scrupuleuses. L’Assistance publique, elle aussi, envoie loin de Paris, à la campagne, les enfants abandonnés qui porteront au cou un collier en os sur lequel est gravé leur numéro d’immatriculation, marque distinctive de leur statut. Beaucoup mourront par manque de soins avant de faire leurs premiers pas et les moins forts n’atteindront pas leurs cinq ans.
Toute médaille a son revers.
Certes, cette époque convient aux rentiers, aux investisseurs, à ceux qui n’ont eu qu’à naître, aux boursicoteurs engrangeant des richesses qui s’essoufflent ou s’éteignent du jour au lendemain au gré de compromissions, des malversations et des prévarications.
L’industrie se mécanise, mais insuffisamment. L’instauration du libre-échange semble avoir des effets positifs sur le commerce, quoique pas toujours patents. L’illettrisme recule, même si dans les campagnes les travaux à la ferme passent avant l’école.
La vie est chère, l’agriculture subit de mauvaises récoltes, l’industrialisation signe le modernisme, mais amène sa part de misère, travailleurs forçats dans les usines et les fabriques, petites mains dans les filatures…
Le peuple souffre et regarde les nantis jouer leur fortune en une nuit sur un tapis vert, ou faire étalage de leurs perversions au sortir des lits des courtisanes et des demi-mondaines qui tiennent le haut du pavé comme « La Païva » qui reçoit dans son hôtel, avenue des Champs-Elysées, lequel a coûté dix millions de francs or grâce à la générosité de ses amants. Tous n’ont pas cette belle et bonne fortune et doivent se contenter des services des filles insoumises, car la prostitution bien que réglementée est florissante. La misère fait le lit du vice.
Les cités ouvrières se développent, améliorant la vie quotidienne, mais l’interdiction pour les enfants de travailler avant l’âge de dix ans dans les mines n’est guère appliquée. De même, les lois de 1841 et 1848 qui interdisent respectivement le travail des enfants avant l’âge de huit ans (et la nuit pas avant treize ans), ainsi qu’une durée de travail limitée à 12 heures par jour pour les adultes sont plus qu’imparfaitement mises en œuvre ; cette dure réalité est due au besoin de main-d’œuvre dans cette période où l’industrialisation s’étend, et se heurte également à la volonté des familles pour lesquelles tout salaire est vital.
Durant le Second Empire, les aristocrates se font discrets, comme à Compiègne où ils se terrent dans leurs maisons, ne participent pas aux chasses à courre ni ne jouent aux courtisans et attendent impatiemment le retour du couple impérial à Paris.
Être bourgeois, plus que la possession de revenus, est un mode vie. L’excellence est le mérite qui, hélas, ne nourrit pas toujours son homme.
Le tiers de la population est paysan et vit dans les campagnes où la mécanisation bien qu’existante tarde à augmenter dans des fermes aux terrains morcelés depuis l’abolition du droit d’aînesse à la Révolution, mais le train désenclave les territoires si loin de la capitale.
Que sont devenues les idées généreuses que prônait l’Empereur dans L’extinction du paupérisme paru en 1848 ?
Que pouvait-on attendre d’un prince président qui se fait plébisciter Empereur, fait voter par le Corps législatif une liste civile d’un montant de 25 millions de francs ? Que doit-on penser ou présumer d’une impératrice qui intervient dans le fonctionnement de l’État ? Mariée à un homme collectionneur de bonnes fortunes féminines, elle trouve consolation dans l’accomplissement d’œuvres de charité, va à la messe et prie avec ferveur. Une bigote, disent d’elle les frères Goncourt qui la considèrent comme « bonne et sotte », mais ceux-ci sont connus pour avoir la dent dure et intolérante.
L’impératrice Eugénie aime la toilette, dénude ses épaules qu’elle a fort belles, donne le ton à la cour, aux fêtes, et aux cérémonies qui ponctuent la vie du couple impérial. Il y a les Tuileries en hiver avec ses réceptions fastueuses, le château de Saint-Cloud en début d’été plus intime, Fontainebleau, Compiègne à Toussaint où l’on reçoit tout ce que compte la France d’artistes, de politiques, de scientifiques par séries durant une semaine.
Quant aux plus pauvres, ils sont repoussés à la périphérie de la capitale pour laisser la place à un Paris devenu triomphant sous la férule du baron Haussmann, avec ses façades orgueilleuses derrière lesquelles se déroulent des tapis seulement jusqu’à la première marche conduisant aux chambres des bonnes.
Le régime avait bénéficié d’une conjoncture avantageuse grâce à la découverte de mines d’or en Californie ; l’économie de la France en a été dynamisée, la Bourse a prospéré, les prix ont monté, et grâce au baron Haussmann, Paris était devenu une brillante vitrine offerte au monde.
Après l’attentat d’Orsini en 1858 (Napoléon III a failli perdre la vie devant l’opéra Le Peletier), les libertés sont restreintes avec la mise en place de la loi de Sûreté générale. Déjà au début de son règne, Presse et liberté sont deux termes antinomiques (il faut une autorisation préalable pour créer un journal ; après trois avertissements, celui-ci est suspendu pour deux mois et supprimé en cas de récidive). La Justice était aux ordres de l’empire ; il en était de même pour le Corps législatif dont les membres sont élus au suffrage universel, mais le résultat était biaisé avec le système des candidats officiels aux élections, candidatures soutenues par les préfets qui par ailleurs nomment les maires.
Cela n’empêchera pas l’opposition de se faire une place, contraignant le régime à se libéraliser à partir des années 1860. Mais n’est-il pas trop tard ?
Napoléon III vieillissant et malade, pense à sauvegarder les droits de son fils, prince impérial et continuateur de la dynastie, par des mesures dites libérales qui ne feront que retarder l’échéance tragique du Second Empire qui se clôt par la défaite de Sedan.
Malgré les amnisties successives, l’opposant obstiné de « Napoléon le petit », Victor Hugo, exilé à Jersey, ne rentrera en France qu’en 1870.
Ne pouvant se représenter à la présidence de la république, le prince Louis Napoléon a choisi le coup d’État (son oncle avait bien eu son 18 brumaire), mais le sien aura été entaché par les tués du quatre décembre 1851. Après le succès du plébiscite du 20 décembre 1851, il aura beau dire « la France a compris que je m’étais sorti de la légalité pour rentrer dans le droit (…) Plus de 7 millions de suffrages viennent de m’absoudre* » dès le départ, son étoile, car il croit en son destin, sera ternie par ce désastre humain. Était-ce une faute, un crime, un coup de sort cruel ? Ce fut un péché originel* qu’il tentera en vain de s’absoudre. Selon l’impératrice Eugénie, le coup d’État fut un boulet que l’Empereur traîna vingt ans à son pied.
En 1873, l’Empereur meurt des suites d’une opération de la maladie de la pierre dont il aura cruellement souffert surtout dans la deuxième partie de sa vie. Quelques années plus tard en 1879, le prince impérial tombe bravement sous les coups de lance des Zoulous. Il reposera aux côtés de son père à Chislehurst, au sud-est de Londres. L’impératrice Eugénie vivra encore quarante-deux ans avant de les rejoindre.
Louis Napoléon, prince président puis Empereur, croyait en la liberté des peuples, possédait une fibre sociale sincère, influencée par le saint-simonisme, qu’il n’a pas pu ou mise incomplètement en œuvre alors qu’elle sous-tendait son action politique.
« Le développement industriel favorisé par l’État, devait assurer le bonheur des peuples et vaincre la misère »* Mission non accomplie au regard de l’Histoire mémorielle.
*Gérard Unger Le Second Empire (Editions Perrin, avril 2018).
« Il aura un bon cœur et une belle âme (...) c’est peut-être l’espoir de ma race. » Napoléon Ier *
Corruption, décomposition des mœurs, règne autoritaire, puis libéral durant les dernières années de son existence, le Second Empire et particulièrement son auteur, Napoléon III, n’ont jamais fait l’unanimité. Même si, depuis la Libération, grâce aux travaux d’historiens de valeur, la vision que l’on peut avoir de cette période s’en trouve nuancée.
Car enfin, c’est bien cet homme qui a fait main basse sur la France par un coup d’État sanglant (plus de 400 morts) le 2 décembre 1851 (la troisième tentative fut la bonne), et qui moins de deux décennies plus tard, le 2 septembre 1870, à Sedan, par une défaite qui ne fait pas honneur à l’armée française, aura capitulé.
Paris subira quatre mois de siège par l’armée prussienne ; les habitants affamés, claquemurés dans leurs taudis ou leurs appartements cossus, seront contraints pour survivre de manger les chevaux, les rats et les chats, jusqu’aux animaux du zoo du jardin des Plantes, vendus à prix d’or, qui passeront à la casserole.
Puis, tandis que l’Empereur est exilé en Angleterre, le peuple de Paris qui n’accepte pas la capitulation de leur ville et donc la défaite de la France, prend les armes contre le gouvernement de Thiers replié à Versailles. La Commune durera deux mois. Elle trouvera sa conclusion lors de la « semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871 par une lutte fratricide entre l’armée régulière versaillaise et les Fédérés qui mettront le feu à nombre de monuments de Paris dont l’Hôtel de Ville qui sera reconstruit à l’identique, le Palais de Justice, les Tuileries… La répression sera terrible : exécutions sommaires, 10 000 condamnations à mort et plus de 4000 communards seront déportés au bagne de la Nouvelle-Calédonie.
De ce sang versé, naîtra, fragile, la Troisième République dont les représentants ne regagneront le Palais Bourbon qu’en 1879. Des journalistes, dont Émile Zola, prendront le train à la gare Saint-Lazare afin d’assister aux séances de l’Assemblée nationale qui se tiennent au château de Versailles. On verra les députés marchant dans les avenues désertes, leur maroquin serré sous le bras pour éviter les voleurs à la tire, attrapant au vol la première édition du Monde, du Figaro ou du Siècle que leur tend le crieur de journaux, gavroche à la voix aiguë ; et pourquoi pas, dès 1863, Le Petit Journal dont la rubrique des faits divers passionne aussi bien le vendeur à la sauvette que la bourgeoise envoyant sa bonne acheter l’édition de l’après-midi en catimini.
Meurtres passionnels, crimes crapuleux dont les victimes le plus souvent démunies se retrouvent à la morgue : pauvres corps pour la plupart sortis de la Seine, allongés sur des tables de marbre afin que chacun puisse les morguer lors d’une promenade dominicale et les identifier. Ces hommes qu’ils aient été poignardés au sortir d’un estaminet, ces femmes qu’elles se soient jetées, leur enfant dans les bras, dans les eaux boueuses de la Seine ou qu’elles soient tombées sous les coups de leurs souteneurs, échappent à une vie dont ils n’entrevoient guère d’échappatoire. Banales dépouilles abîmées qui si elles ne sont pas reconnues au bout des soixante-douze heures légales seront conduites (pour un franc) par un fossoyeur dans le champ des navets au cimetière d’Ivry ; à moins qu’à la nuit tombée les internes de l’hôpital voisin ne viennent les récupérer pour les disséquer afin d’en apprendre davantage sur la machine humaine.
Les chancres de la syphilis grignotent les peaux, les médecins traitent cette maladie au mercure, traitement dont l’efficacité n’a jamais été démontrée. Sous le Second Empire, le taux de mortalité infantile est de 50 %. Il faudra attendre la fin du siècle pour que s’améliorent les chances de survie des nouveau-nés grâce à la diffusion du vaccin contre la variole et aux progrès de l’asepsie (trop d’accouchées meurent d’infection à cause de médecins encore ignorants des règles d’hygiène).
Les milieux populaires sont touchés plus particulièrement par les épidémies, car ils peuvent moins s’en protéger par des mesures prophylactiques. C’est le cas de la phtisie (tuberculose) et des épidémies de choléra (en 1854 puis en 1865-1866). L’alcoolisme, fléau si bien décrit par Émile Zola, permet d’échapper à un quotidien difficile et l’absinthe fait des ravages.
La folie, quant à elle, fascine, celle que génère entre autres la syphilis, celle due à l’insupportable d’une société corsetée dans des schémas mentaux qui nous paraissent à l’évidence étriqués, comme s’il n’y avait qu’une seule route possible pour tous ; et qui pousse à faire interner ses proches, son mari, sa fille, si l’on est riche dans des cliniques privées comme celle à Passy du docteur Blanche, sinon dans des hôpitaux comme celui de La Salpêtrière où après Pinel et Esquirol, Charcot et ses confrères développent des traitements pour soigner les maladies mentales, moins intrusifs physiquement.
La vie avance, travaille au bien-être collectif (foisonnante époque a-t-on écrit) grâce à l’abnégation d’hommes et de femmes (la Charité n’est pas un vain mot), à la politique volontariste de Napoléon III, de par l’ingéniosité et le génie des scientifiques. En 1885, Louis Pasteur découvrira le vaccin contre la rage après avoir ouvert la voie à la révolution microbienne.
Revenons en plus précisément au Second Empire où, selon Gambetta « la vapeur, le télégraphe sont devenus l’instrument du règne »*.
Le rail rapproche la ville des campagnes où les heures sont égrenées par l’Angélus même si nombre de cloches ont été arrachées des églises pour être fondues à la Révolution de 1789. Les locomotives Crampton sillonnent la France et malgré la crainte d’accidents, les voyageurs se font plus nombreux et sillonnent la France en un temps qu’ils n’auraient pas imaginé vingt ans auparavant.
Journaliers, travailleurs agricoles écartés de la ferme par la lente mécanisation des procédés de production migrent à la ville, quittent leur montagne pour se faire ramoneurs, artisans, nourrices, domestiques, ouvriers (le nouveau Paris et la création de voies ferroviaires exigent de la main-d’œuvre). Ils croient en une vie meilleure, ou du moins aspirent à un quotidien que beaucoup souhaitent seulement morne, mais ne boudent pas les plaisirs simples.
Bourgeois et classes populaires, tous confondus, vont au Cirque Napoléon, vaste théâtre circulaire pouvant accueillir jusqu’à 3 900 spectateurs, et frémissent devant les numéros des dompteurs Crockett et Baty, et des acrobates sur leur trapèze volant.
On déambule les rares jours de congé le long des boulevards et des quais, les plus instruits s’arrêtant devant l’étal des bouquinistes, d’autres longent les berges de la Seine pour regarder les chevaux haler les péniches.
On aime les fêtes colorées et joyeuses au bord de l’eau comme Auguste Renoir sait si bien les peindre, guinguettes, accordéons, friture et vin blanc. Les artistes sortent de leur atelier, coiffés d’un canotier, le chevalet à l’épaule, découvrent la lumière et jouent dans les sous-bois de la forêt de Fontainebleau avec la pointe de leur pinceau. En 1865, au Salon, Édouard Manet casse les codes académiques avec son « Olympia » qui fera rougir l’impératrice Eugénie, puis avec son « déjeuner sur l’herbe » qui sera accroché au salon des Refusés. Cette description des mœurs de certains de ses contemporains fera scandale. Le style choqua autant que le sujet jugé obscène et voyeur.
Les grands magasins (la Belle Jardinière, les magasins du Louvre, le Bon Marché…) font briller les yeux des lorettes qui mettent des rubans à leur corsage pour aller (dépensant leurs derniers sous) danser au bal Mabille, Faubourg Saint Honoré. Les étalages de tissu attisent les convoitises. Les satin, moire, mousseline, taffetas, brocard, pékin, poult-de-soie sont sublimés par des couturières qui s’abîment les yeux et n’en finissent pas d’ajouter des volants aux bas des jupes, de la passementerie ou d’ourler la fine batiste du caraco qu’accompagne le corset qui déforme la colonne vertébrale. Les corps féminins sont sanglés dans les armatures articulées des crinolines dont le diamètre démesuré fera même débat au Palais Bourbon.
Il reviendra au couturier Worth en proposant la tournure sinon de délacer les tailles, du moins de délivrer de ces cercles de bois ou de fer les corps meurtris des femmes assujetties au joug de la mode, dont la première émule est l’impératrice Eugénie.
L’épouse de l’Empereur s’affiche lors de ses soirées costumées dont elle raffole dans des robes à paniers, copies conformes de celles que portait Marie-Antoinette. L’Autrichienne, l’Espagnole, l’étrangère... La rue se moque et se fait méchante. Mais cette débauche vestimentaire, c’est bon pour les filatures et le commerce.
La photographie s’invite dans les familles avec le portrait format carte de visite dont Disderi est l’initiateur. Nadar vous tire le portrait au 35 boulevard des Capucines et les femmes bien nées se pressent dans son atelier avant de se rendre au jour de celles qui tiennent salon ; celui de la princesse Mathilde est couru et accueille Alexandre Dumas père et fils, les frères Goncourt et Flaubert.
En arts décoratifs, l’éclectique est à la mode. Les intérieurs abritent des jardins d’hiver où s’épanouissent des palmiers en pot. De hautes glaces argentées et non plus étamées disparaissent sous les drapés des tentures en velours et renvoient le reflet coloré des chinoiseries et autres bibelots provenant de la manufacture de Sèvres. Les salons où trône le piano regorgent de dessertes, de guéridons style Louis XVI, alors que le robuste mobilier Henri II colonise les salles à manger, ses buffets servant d’écrins à la vaisselle en porcelaine et aux couverts en ruolz (alliage de cuivre, de nickel et d’argent).
Au cours des après-midi ensoleillés, calèches, phaétons et cavaliers ont sillonné l’avenue de l’Impératrice au bois de Boulogne, ou se sont promenés à pied dans les allées ombragées des Tuileries et celles des jardins que l’ingénieur Alphand a créés aux quatre points cardinaux de la capitale.
Paris dort peu et dans son insomnie égrène le temps, celui qui se décompte sur la montre à gousset, à la trajectoire du soleil et de la lune ou à l’aune de l’horloge des gares.
La vie parisienne, c’est aussi, pour ceux qui peuvent se les offrir, les soirées au théâtre de boulevard où Labiche conforte son succès en singeant ses contemporains, les opérettes d’Offenbach aux Bouffes-Parisiens où se pressent bourgeois et provinciaux, et aussi les cafés-concerts pour le public populaire.
Il est de bon ton de se montrer à l’Opéra Le Peletier (l’opéra Garnier sera terminé en 1875). S’y joue et s’y chante le Faust de Charles Gounod. Les danseuses évoluant sous la chaleur des becs de gaz de l’avant-scène, préférent se serrer contre le ventre bedonnant d’un rentier plutôt que d’aller retrouver leur galetas à la fin du spectacle ; quand leurs charmes les quitteront, elles iront au Mont-De-Piété, chez Ma Tante, pour mettre en gage leur matelas. En attendant, elles se couchent à l’aube et croisent les carrioles des maraîchers qui entrent dans Paris et rejoignent les Halles de Baltard, ventres de fer et de verre. Aux Tuileries s’éteignent les lumières éblouissantes des fêtes somptueuses que l’Empereur offre à ses invités.
Les bonnes tôt levées alimentent les poêles en boulets de charbon. Le facteur commence sa tournée, sa boîte ronde placée sur le ventre (bientôt on le verra juché sur un vélocipède). Les nourrices en uniforme blanc empesé guettent le réveil de la progéniture de leurs maîtres. Leurs propres enfants sont restés au pays au mieux chez la grand-mère ou chez des nourrices peu scrupuleuses. L’Assistance publique, elle aussi, envoie loin de Paris, à la campagne, les enfants abandonnés qui porteront au cou un collier en os sur lequel est gravé leur numéro d’immatriculation, marque distinctive de leur statut. Beaucoup mourront par manque de soins avant de faire leurs premiers pas et les moins forts n’atteindront pas leurs cinq ans.
Toute médaille a son revers.
Certes, cette époque convient aux rentiers, aux investisseurs, à ceux qui n’ont eu qu’à naître, aux boursicoteurs engrangeant des richesses qui s’essoufflent ou s’éteignent du jour au lendemain au gré de compromissions, des malversations et des prévarications.
L’industrie se mécanise, mais insuffisamment. L’instauration du libre-échange semble avoir des effets positifs sur le commerce, quoique pas toujours patents. L’illettrisme recule, même si dans les campagnes les travaux à la ferme passent avant l’école.
La vie est chère, l’agriculture subit de mauvaises récoltes, l’industrialisation signe le modernisme, mais amène sa part de misère, travailleurs forçats dans les usines et les fabriques, petites mains dans les filatures…
Le peuple souffre et regarde les nantis jouer leur fortune en une nuit sur un tapis vert, ou faire étalage de leurs perversions au sortir des lits des courtisanes et des demi-mondaines qui tiennent le haut du pavé comme « La Païva » qui reçoit dans son hôtel, avenue des Champs-Elysées, lequel a coûté dix millions de francs or grâce à la générosité de ses amants. Tous n’ont pas cette belle et bonne fortune et doivent se contenter des services des filles insoumises, car la prostitution bien que réglementée est florissante. La misère fait le lit du vice.
Les cités ouvrières se développent, améliorant la vie quotidienne, mais l’interdiction pour les enfants de travailler avant l’âge de dix ans dans les mines n’est guère appliquée. De même, les lois de 1841 et 1848 qui interdisent respectivement le travail des enfants avant l’âge de huit ans (et la nuit pas avant treize ans), ainsi qu’une durée de travail limitée à 12 heures par jour pour les adultes sont plus qu’imparfaitement mises en œuvre ; cette dure réalité est due au besoin de main-d’œuvre dans cette période où l’industrialisation s’étend, et se heurte également à la volonté des familles pour lesquelles tout salaire est vital.
Durant le Second Empire, les aristocrates se font discrets, comme à Compiègne où ils se terrent dans leurs maisons, ne participent pas aux chasses à courre ni ne jouent aux courtisans et attendent impatiemment le retour du couple impérial à Paris.
Être bourgeois, plus que la possession de revenus, est un mode vie. L’excellence est le mérite qui, hélas, ne nourrit pas toujours son homme.
Le tiers de la population est paysan et vit dans les campagnes où la mécanisation bien qu’existante tarde à augmenter dans des fermes aux terrains morcelés depuis l’abolition du droit d’aînesse à la Révolution, mais le train désenclave les territoires si loin de la capitale.
Que sont devenues les idées généreuses que prônait l’Empereur dans L’extinction du paupérisme paru en 1848 ?
Que pouvait-on attendre d’un prince président qui se fait plébisciter Empereur, fait voter par le Corps législatif une liste civile d’un montant de 25 millions de francs ? Que doit-on penser ou présumer d’une impératrice qui intervient dans le fonctionnement de l’État ? Mariée à un homme collectionneur de bonnes fortunes féminines, elle trouve consolation dans l’accomplissement d’œuvres de charité, va à la messe et prie avec ferveur. Une bigote, disent d’elle les frères Goncourt qui la considèrent comme « bonne et sotte », mais ceux-ci sont connus pour avoir la dent dure et intolérante.
L’impératrice Eugénie aime la toilette, dénude ses épaules qu’elle a fort belles, donne le ton à la cour, aux fêtes, et aux cérémonies qui ponctuent la vie du couple impérial. Il y a les Tuileries en hiver avec ses réceptions fastueuses, le château de Saint-Cloud en début d’été plus intime, Fontainebleau, Compiègne à Toussaint où l’on reçoit tout ce que compte la France d’artistes, de politiques, de scientifiques par séries durant une semaine.
Quant aux plus pauvres, ils sont repoussés à la périphérie de la capitale pour laisser la place à un Paris devenu triomphant sous la férule du baron Haussmann, avec ses façades orgueilleuses derrière lesquelles se déroulent des tapis seulement jusqu’à la première marche conduisant aux chambres des bonnes.
Le régime avait bénéficié d’une conjoncture avantageuse grâce à la découverte de mines d’or en Californie ; l’économie de la France en a été dynamisée, la Bourse a prospéré, les prix ont monté, et grâce au baron Haussmann, Paris était devenu une brillante vitrine offerte au monde.
Après l’attentat d’Orsini en 1858 (Napoléon III a failli perdre la vie devant l’opéra Le Peletier), les libertés sont restreintes avec la mise en place de la loi de Sûreté générale. Déjà au début de son règne, Presse et liberté sont deux termes antinomiques (il faut une autorisation préalable pour créer un journal ; après trois avertissements, celui-ci est suspendu pour deux mois et supprimé en cas de récidive). La Justice était aux ordres de l’empire ; il en était de même pour le Corps législatif dont les membres sont élus au suffrage universel, mais le résultat était biaisé avec le système des candidats officiels aux élections, candidatures soutenues par les préfets qui par ailleurs nomment les maires.
Cela n’empêchera pas l’opposition de se faire une place, contraignant le régime à se libéraliser à partir des années 1860. Mais n’est-il pas trop tard ?
Napoléon III vieillissant et malade, pense à sauvegarder les droits de son fils, prince impérial et continuateur de la dynastie, par des mesures dites libérales qui ne feront que retarder l’échéance tragique du Second Empire qui se clôt par la défaite de Sedan.
Malgré les amnisties successives, l’opposant obstiné de « Napoléon le petit », Victor Hugo, exilé à Jersey, ne rentrera en France qu’en 1870.
Ne pouvant se représenter à la présidence de la république, le prince Louis Napoléon a choisi le coup d’État (son oncle avait bien eu son 18 brumaire), mais le sien aura été entaché par les tués du quatre décembre 1851. Après le succès du plébiscite du 20 décembre 1851, il aura beau dire « la France a compris que je m’étais sorti de la légalité pour rentrer dans le droit (…) Plus de 7 millions de suffrages viennent de m’absoudre* » dès le départ, son étoile, car il croit en son destin, sera ternie par ce désastre humain. Était-ce une faute, un crime, un coup de sort cruel ? Ce fut un péché originel* qu’il tentera en vain de s’absoudre. Selon l’impératrice Eugénie, le coup d’État fut un boulet que l’Empereur traîna vingt ans à son pied.
En 1873, l’Empereur meurt des suites d’une opération de la maladie de la pierre dont il aura cruellement souffert surtout dans la deuxième partie de sa vie. Quelques années plus tard en 1879, le prince impérial tombe bravement sous les coups de lance des Zoulous. Il reposera aux côtés de son père à Chislehurst, au sud-est de Londres. L’impératrice Eugénie vivra encore quarante-deux ans avant de les rejoindre.
Louis Napoléon, prince président puis Empereur, croyait en la liberté des peuples, possédait une fibre sociale sincère, influencée par le saint-simonisme, qu’il n’a pas pu ou mise incomplètement en œuvre alors qu’elle sous-tendait son action politique.
« Le développement industriel favorisé par l’État, devait assurer le bonheur des peuples et vaincre la misère »* Mission non accomplie au regard de l’Histoire mémorielle.
*Gérard Unger Le Second Empire (Editions Perrin, avril 2018).